http://www.lemonde.fr/aujourd-hui/article/2009/03/23/prevenir-la-violence-par-le-jeu-de-role_1171535_3238.htmlComment prévenir le recours à la violence dès le plus jeune âge ? Par la mise en place de jeux de rôle en classe de maternelle, affirme Serge Tisseron, psychiatre et psychanalyste, après avoir mené une expérience dans trois écoles durant l'année scolaire 2007-2008.
"Le jeu de rôle favorise l'adoption d'une posture d'évitement de l'affrontement, assure-t-il, statistiques à l'appui. Et il contribue à un abandon des postures d'agresseur et de victime chez les enfants qui s'y étaient d'abord identifiés."
Deux classes par école à Paris, Gonesse et Argenteuil (Val-d'Oise), étaient impliquées dans l'expérience financée par la Fondation de France. L'une des classes ne participait pas au jeu de rôle, mais faisait figure de témoin pour comparer les changements éventuels de comportement des enfants.
A la rentrée, tous les élèves ont fait l'objet d'un test qui permettait de les classer dans cinq postures selon leurs réactions à des images évoquant des situations d'affrontement, de désobéissance et de souffrance : "craintif ou de fuite", "observateur", "agressif-combatif-attaquant", "victime" et enfin "redresseur de torts".
Hélène Arditi, institutrice à l'école privée Saint-Pierre, à Paris, a participé au projet avec ses élèves de moyenne section âgés de 4 à 5 ans. Au début de chaque séance de jeu de rôle, qui se tenait en demi-groupe, elle prenait soin de rappeler les règles du jeu.
Premièrement, "comme au théâtre, on fait semblant d'être méchant, d'avoir peur, de s'embrasser" ; deuxièmement, "on peut faire semblant d'être une fille quand on est un garçon ou un garçon si on est une fille" ; troisièmement, "on n'est pas obligé de jouer mais, si on accepte, on fait successivement le rôle du méchant, de la victime et du justicier".
Ce dernier point était au coeur de l'expérience, car le but du jeu était d'agir sur les représentations des enfants pour leur éviter de se figer dans une posture d'agresseur ou de victime, aussi nocive l'une que l'autre.
Les petits scénarios imaginés par les enfants des trois écoles s'inspiraient de films ou d'images télévisées qui les avaient bouleversés : Harry Potter, Spiderman, "Le vampire du campus", un feuilleton, mais aussi l'accident de Villiers-le-Bel dans lequel deux adolescents à moto avaient trouvé la mort, en novembre 2007, percutés par une voiture de police.
"A la fin de l'année, se souvient Hélène Arditi, les enfants avaient acquis une très bonne maîtrise du jeu. Cela les a certainement aidés à contrôler leur peur, à avoir une autre lecture de ce qu'ils voient à la télévision et notamment de mieux prendre conscience que tout n'est pas forcément vrai."
A l'issue de l'expérience, en juin 2008, tous les enfants ont été de nouveau testés. Les résultats ramenés en pourcentages montrent que, sur cent enfants qui s'identifiaient à un agresseur ou à une victime avant l'expérience, seulement huit conservaient cette posture pour ceux qui avaient bénéficié du jeu de rôle contre trente-huit pour ceux qui n'en avaient pas bénéficié.
Par ailleurs, les enfants qui avaient bénéficié du jeu de rôle étaient deux fois plus nombreux à adopter la posture "craintif ou de fuite" afin d'éviter d'entrer dans l'affrontement.
Martine Laronche
Merci Whaarg