Cérémonie d'Adieu

Après les temps de guerre, vint le temps du deuil.

Bruissements dans le lointain, quelque chose se préparait. Les Etats amenaient le bois pour construire les buchers des défunts sous l’œil vigilant des Torayamas. C’était les corps de leurs camarades qu’on brulerait la nuit venue. Des cris pour donner des ordres et pour les autres l’attente. Chacun sa place comme toujours. La nuit commençait à tomber, alors, petit à petit, les corps furent posés en haut des bûchers. Ils étaient nombreux sur cette simple place, car d’autres sangs s'étaient mêlés aux rangs des Torayamas, les amis des rônins qui avaient combattu avec eux.

« Brûlons nos souvenirs dans les entrailles d’un brasier. »

« Rien ne restera, juste quelques cendres à jeter aux vents. »


Notre Daimyo fut mis avec délicatesse sur un bûcher individuel. Regard après regard, celui que l’on avait cru immortel était étendu là, sans vie. Kaïto reposait enfin parmi les siens et son nom allait rester à jamais gravé dans le hall des ancêtres. Une voix s’éleva pour lui dire ses derniers mots, un anonyme dans cette nuit d’hiver.
« Que ton nom ne quitte jamais le cœur de tes descendants, que tous se souviennent des batailles que tu as menées. ».
Quand vint le tour de Miyoko, des murmures parcoururent la place. Grande karo, elle avait sacrifié sa tête en ramenant notre empereur sur son trône.
Que penser de toi ? Trahison, courage, force ?
Elle avait eu plus d’une corde à son arc, mais il fallait avant tout se rappeler qu’elle avait été fidèle à son cœur jusqu’au bout.
Puis les corps de Shigenobu et Takaïchi furent aussi placés, seuls. Tous savaient que leurs exploits durant cette bataille perdureraient. Des exemples pour tous, des récits légendaires. Nul bruit ne s’échappa, car de ces deux hommes, même dans la mort, émanaient une aura de force palpable. Pour finir, les vivants disposèrent le reste des Torayamas sur un grand bûcher et les rônins sur un autre. Quelques murmures prononcés, des adieux pour chacun puis… La lumière. Le feu s’alluma pour dévorer les corps ainsi mis. Il crépita dans la froideur du soir dansant sur les visages blêmes.
Une chanson funéraire ce fit entendre dans le frémissement du vent.



Les yeux s’ouvrirent encore tourmentés, et la jeune femme regarda les pales reflets du feu qui dansaient sur son visage. Les bûchers semblaient dévorer la place. C’était la fin de grands combattants et rien ne pourrait les ramener. Elle en aurait brisé des souvenirs pour encore sentir, sourire.

'Tu souffres ? Il ne reviendra pas. Tu te sens seule ? C’est comme cela que tu grandiras. Ne montre rien, ne laisse rien transparaitre, sens juste cette douleur dévorante couler dans tes veines. '

Elle avait froid, mais dans la nuit elle laissa une perle de sel couler sur sa joue. Elle put enfin dire adieu à son frère, à son ami qu’elle laissait ainsi disparaitre.

'Nuit tumultueuse, comprends-tu le malheur ?'

Inspiration.

Dans la simple expiration, elle avait lâché l’emprise, elle s’était abandonnée aux souvenirs exquis. Priant pour que le voyage de son frère soit aussi aventureux que sa vie.

Un sourire.

Le souvenir de la vague des épées. Pour elle, il serait toujours un grand samouraï. Alors, jamais elle n'oublierait les doux moments qu’ils avaient partagés.

'Te souviendras-tu de moi quand ton âme reviendra ?

Adieu cher Tetsuo'


A la fin une note en italique était ainsi disposée : « Ce fut ainsi que je vis la cérémonie de ceux que j’ai aimé. Il reste encore beaucoup de place pour les personnes qui désireraient écrire la suite ou leur simple pensée. »